La loi scientifique.

 

A. Un exemple.

 

"A propos d'un objet très ancien, nous allons développer une science toute nouvelle. Il n'y a peut - être rien de plus ancien dans la nature que le mouvement ; les chercheurs lui on consacré des volumes nombreux et importants. En dépit de cela, je lui trouve plus d'une propriété digne d'être connue et qui n'a pas été observée, encore moins démontrée, jusqu'à présent. On a coutume de mentionner quelques - unes des plus faciles à observer, comme par exemple, le fait que le mouvement des naturels corps pesants se trouvant en état de chute subit une accélération constante. Mais personne n'a encore fait connaître la loi qui régit cette accélération"

Galileo GALILEI (1564 - 1642). Entretiens et démonstrations mathématiques à propos de deux nouvelles sciences. Troisième jour1 .

 

Il s'agit de la découverte de la première loi scientifique : la loi sur la chute libre des corps.

 

Rappel. La loi sur la chute des corps :

- 1. énonce que le mouvement de la chute libre des corps est un mouvement uniformément accéléré ;

- 2. signifie que le mouvement de la chute libre des corps est un mouvement accéléré parce que sa vitesse croît à chaque instant : le corps tombe de plus en plus vite, et que le mouvement de la chute libre des corps est un mouvement uniformément accéléré parce que sa vitesse croît régulièrement et proportionnellement au temps écoulé depuis le début de la chute ;

- 3. se formule : les espaces parcourus sont entre eux comme les carrés des temps.

 

RM. De nos jours, cette loi se présente sous la forme mathématique : s = 1/2 g t2, - où g représente la constante gravitationnelle.

 


1. Le fait choisi.

- 1. C'est un phénomène simple, observable par tous, en tous temps et en tous lieux :

"A propos d'un objet très ancien, nous allons développer une science toute nouvelle. Il n'y a peut - être rien de plus ancien dans la nature que le mouvement (...)".

- 2. Cependant c'est un phénomène pour lequel nulle loi n'existait :

"Mais personne n'a encore fait connaître la loi qui régit cette accélération".

A. Il y a une loi pour ce phénomène naturel. La nature suit des lois ; il n'y a pas de hasard.

B. Chercher cette loi, c'est chercher à comprendre rationnellement la nature.

C. Cette loi n'a cependant pas été trouvée. Comment comprendre qu'un phénomène aussi banal, aussi simple n'a pas été expliqué avant le XVIIIe siècle ?

- 3. Quelques éléments de réponse :

A. Avant GALILEE, les explications retenues pour rendre raison de ce phénomène étaient : la théorie des lieux (ARISTOTE) et la la théorie de l'impetus de la scolastique.

Comment des explications fausses ont - elles pu être acceptées comme scientifiquement vraies ?

B. Il y a là ce que G. BACHELARD (1884 - 1962) nomme un obstacle épistémologique.

Définition : "(...) c'est en termes d'obstacles qu'il faut poser le problème de la connaissance scientifique. Et il ne s'agit pas de considérer des obstacles externes, comme la complexité et la fugacité des phénomènes, ni d'incriminer la faiblesse des sens et de l'esprit humain : c'est dans l'acte même de connaître, intimement, qu'apparaissent, par une sorte de nécessité fonctionnelle, des lenteurs et des troubles"

G. BACHELARD (1884 - 1962). La formation de l'esprit scientifique. p. 142 .

Commentaire :

 

2. L'hypothèse et ses raisons.

Définition. L'hypothèse est : "(...) l' 'explication anticipée' (Cl. BERNARD3 ) déduite de l'observation du phénomène, et appelée à être vérifiée ou infirmée par l' expérience"4 .

La loi est l'hypothèse qui a été vérifiée par le contrôle expérimental.

- 1. Il ne suffit pas de constater un phénomène pou le comprendre. Le constat s'effectue par les sens, la compréhension exige une opération de la raison.

- 2. Pour trouver la loi de l'accélération uniforme de la vitesse des corps qui tombent en chute libre, GALILEE fait appel à une supposition : la simplicité de la nature.

"(...) elle [la nature] a coutume de recourir aux moyens les plus atteignables, les plus simples et les plus faciles. En effet, il me semble que personne ne croira que l'on puisse nager ou voler de façon plus simple ou plus facile que ne le font les poissons ou les oiseaux par instinct naturel"5 .

- 3. La découverte de GALILEE a été faite par des principes qu'il ne songe pas à discuter :

A. La nature suit les voies les plus simples, c'est - à - dire les voies qui requièrent le moindre effort d'explication.

B. C'est par un raisonnement qu'il émet l'idée de l'accélération uniforme de la chute des corps : le mobile est le même, le principe du mouvement est le même, donc la vitesse doit croître elle aussi de la même façon.

C. La nature est un livre écrit en langage mathématique, de sorte que l'homme peut le comprendre :

"La philosophie est écrite dans ce livre immense perpétuellement ouvert devant nos yeux (je veux dire : l'Univers), mais on ne peut le comprendre si l'on n'apprend pas d'abord à connaître la langue et les caractères dans lesquels il est écrit. Il est écrit en langue mathématique et ses caractères sont des triangles, des cercles, et d'autres figures géométriques sans l'intermédiaire desquelles il est humainement impossible d'en comprendre un seul mot"6 .

Commentaire :

 

3. La vérification et ses limites.

Définition. La vérification est : "(...) l'ensemble des opérations permettant de démontrer la validité d'une hypothèse en comparant les déductions qu'elle autorise avec l'expérience"7 .

- 1. Le processus expérimental est nécessaire. L'expérience doit vérifier l'hypothèse ; la parole ne suffit pas.

- 2. La mise en place du dispositif expérimental8 . Les caractères principaux de ce dispositif sont :

A. Il s'agit déjà d'un laboratoire : les conditions de l'expérience sont instituées.

B. La nature n'est pas observée : les conditions d'observation sont artificiellement instituées.

C. Le recours au plan incliné comme moyen de mesurer la vitesse de la chute des corps.

- 3. Les limites de ce dispositif.

A. La mesure du temps se fait à l'aide d'un seau d'eau et à l'aide du pouls :

"(...) l'expérience était commencée plusieurs fois afin de déterminer la durée du temps, mais sans que nous découvrissions jamais de différence supérieure au dixième d'un battement de pouls"

GALILEE9 .

B. la linéarité du canal creusé sur le plan est supposée.

C. GALILEE néglige le rôle et l'importance du frottement.

 

Conclusion. La découverte de la loi se fait en trois étapes : l'observation, la formulation de l'hypothèse, la vérification expérimentale de l'hypothèse. Ce que Claude BERNARD (1813 - 1878) nommera la méthode expérimentale.

 


B. Son analyse.

 

1. Nature de la loi scientifique.

- 1. La loi scientifique est une relation. Dans la loi de GALILEE, la relation est une rapport entre des espaces et des temps.

A. Comprendre c'est relier des termes isolés ; comprendre c'est mettre en rapport.

B. Mettre en rapport est le propre du raisonnement ; les sens assistent au déroulement des phénomènes.

C. Le jugement établit une relation. La vérité commence, comme la connaissance, avec le jugement.

- 2. Une loi est une relation mesurable et quantifiable. L'énoncé de la loi contient des nombres et des opérations.

A. La loi exprime une relation mesurable : aucune place, - sinon la plus faible possible, est laissée à l'appréciation subjective.

Définition. Mesurer est une opération technique, - elle n'est pas purement théorique, elle requiert une intervention -, par laquelle on construit au moyen d'une quantité, appelée unité de mesure, une autre quantité idéale qui doit se trouver à la fin de l'opération, juste égale à une quantité réelle donnée.

Exemple : pour mesurer une table, on construit au moyen d'un mètre une droite idéale coïncidant avec l'arête de la table et ayant les mêmes extrémités qu'elle.`

RM. 1. La mesure nécessite une unité de mesure, des instruments, un système numérique et des opérations dans ce système numérique.

RM. 2. La mesure est solidaire d'un ensemble théorique, d'un corps de connaissances (les nombres, la détermination de l'aspect qui sera mesuré) comme d'un ensemble technique, d'un corps technique (les instruments).

RM. 3. La mesure permet la précision, l'efficacité de l'action, la communauté de langage. Elle se substitue à l'imprécision de l'appréciation subjective.

B. La loi exprime un rapport quantifiable : on substitue à l'appréciation subjective d'une qualité la détermination d'une quantité.

La substitution de la quantité à la qualité non seulement permet davantage de précision, mais la loi est plus économe et plus simple : un langage qualitatif supposerait une infinité de termes ; il faudrait de plus faire appel à des nuances.

Exemple : comment déterminer par des termes qualitatifs les différentes vitesses ? - lentement, doucement, rapide, ces termes n'ont pas de précision et ne désignent pas les mêmes réalités selon chacun.

- 3. La loi exprime une relation constante, universelle et nécessaire.

A. Elle exprime une relation constante, ou encore elle suppose que la nature soit un ordre.

B. Elle exprime une relation nécessaire, ou encore une relation qui ne peut pas ne pas être.

RM. Parce qu'elle exprime une relation universelle et nécessaire, la loi se distingue des généralités accidentelles, c'est - à - dire d'énoncés ayant la forme générale des lois.

Exemple : "Tous les cailloux qui sont dans cette boîte contiennent du fer" est une généralité accidentelle. L'énoncé a la forme générale d'une loi : "Tous les cailloux...".

Mais ce qui distingue la loi d'une généralité accidentelle, c'est que la loi corrobore un énoncé conditionnel contraire aux faits, - ce que ne peut pas faire une généralité accidentelle.

Exemple : "Si on avait lâché ce corps, alors il serait tombé", cela est vrai. Mais : "Si ce caillou avait été dans cette boîte, alors il aurait contenu du fer", cela est faux.

La loi permet d'expliquer, ce que ne permet pas la généralité accidentelle.

Exemple : on ne comprend pas pourquoi le fait pour un caillou d'être dans une boîte serait la raison pour laquelle il contiendrait du fer.

 

2. Fonctions de la loi scientifique.

- 1. Une loi permet d'expliquer. Expliquer (étymologiquement : déplier), c'est donner la cause. La cause peut être de deux sortes : la cause est soit le fait précédent immédiatement un fait, soit la raison pour laquelle ce fait - ci se produit.

Exemple : la loi de GALILEE ne se prononce pas sur la nature de la chute ainsi que sur sa raison, - ce que fera NEWTON (1643 - 1727).

RM 1. Il faut distinguer la cause et la raison.

RM 2. La cause est ce qui peut répondre à la question : "Pourquoi ?".

ARISTOTE ( 384 - 322) distingue quatre sortes de causes : la cause matérielle (ce en quoi la chose est faite), la cause efficiente (ce qui a fait la chose), la cause finale (ce pour quoi la chose est faite), la cause formelle (ce qui fait la chose comme elle est)10 .

- 2. La prévision. La loi scientifique permet de dire non seulement ce qui aura lieu, mais ce qui devra avoir lieu.

Exemple : la loi de GALILEE permet de prévoir le temps que mettra un corps pour tomber d'une hauteur connue.

A. La prévision est le propre d'une loi scientifique. Une prévision fausse entraînera la falsification de la loi. Une loi qui ne permet pas de prévoir un événement relevant de son domaine d'application est une loi fausse, - ou une loi inexacte.

B. La prévision n'est pas la prédiction. Prédire, c'est :

- 3. La loi scientifique permet l'action. La loi scientifique permet d'agir sur la nature et la matière.

A. Elle permet de faire agir la nature et la matière selon les fins voulues par l'homme.

B. La loi scientifique permet l'action technique.

Exemple : La loi de GALILEE a des applications dans le domaine militaire. GALILEE est le promoteur de la balistique : le mouvement d'un projectile est composé d'un mouvement rectiligne et d'un mouvement de chute libre, - d'où la forme parabolique de la trajectoire.

"(...) au lieu de cette philosophie spéculative, qu'on enseigne dans les écoles, on en peut trouver une pratique, par laquelle connaissant la force et les actions du feu, de l'eau, de l'air, des astres, des cieux et de tous les autres corps qui nous environnent, aussi distinctement que nous connaissons les divers métiers de nos artisans, nous les pourrions employer en même façon à tous les usages auxquels ils sont propres, et ainsi nous rendre comme maîtres et possesseurs de la nature"

R. DESCARTES (1596 - 1650). Discours de la méthode. VIème Partie11 .

Commentaire :

Bilan : "En résumé, science d'où prévoyance ; prévoyance d'où action : telle est la formule très simple qui exprime, d'une manière exacte, la relation générale de la science et de l'art, en prenant ces deux expressions dans leur acception totale"

Auguste COMTE (1798 - 1857). Cours de philosophie positive. Deuxième leçon12 .

 

3. Genèse de la loi scientifique.

L'établissement de la loi scientifique suppose : l'observation d'un fait, la conception d'une hypothèse, la vérification de cette hypothèse.

- 1. Le fait. Le fait étudié par le scientifique n'est pas un fait quelconque, mais un fait choisi et parfois même un fait construit.

Exemple : le bon quartz de LANGEVIN :

"C'est une géométrie matérialisée. Le cristal crée au laboratoire n'est plus vraiment un objet, c'est un instrument. C'est un appareil où s'accomplit une opération"

G. BACHELARD. Le rationalisme appliqué. p. 202 - 20313 .

- 2. L'hypothèse. L'hypothèse est la loi inventée qui va être soumise au dispositif expérimental. Comment est - elle inventée ?

A. La simplicité admise par vraisemblance. C'est le cas de la loi de GALILEE : la forme la plus simple de l'accélération de la vitesse des corps qui tombent en chute libre est la constance.

B. Les tables. John Stuart MILL ( 1806 - 1873) propose dans le Système de logique déductive et inductive (1843) quatre canons :

RM. Derrière tout cela, une conviction demeure : Dieu, - ou la nature -, agit toujours en géomètre.

- 3. La vérification. Il s'agit de confronter une prévision permise par la théorie à l'aide d'un dispositif expérimental.

A. Les difficultés de la vérification : la loi de NEWTON (1643 - 1727) fut vérifiée par l'expérience de CAVENDISH (1731 - 1810) ; la théorie d'A. EINSTEIN fut vérifiée par l'expérience d'EDDINGTON (1919).

B. Les limites de la vérification : l'instance de la croix ou expérience cruciale de François BACON (1561 - 1626) dans le Novum Organum, II, 36.

Exemple : l'expérience de Léon FOUCAULT (1830) pour trancher entre les deux théories concurrentes sur la nature de la lumière : la théorie ondulatoire et la théorie corpusculaire. Les conclusions de l'expérience durent être rectifiées après la découverte de l'effet photo - électrique. Le dualisme onde - corpuscule est établi en 1917.

 

Conclusion. Les lois scientifiques établissent entre des faits des rapports mesurables, universels et nécessaire qui permettent l'explication, la prévision et l'action.

 


C. Les conséquences.

 

Pour prétendre formuler des lois scientifiques à propos de faits naturels, quelle conception faut - il avoir de la nature et de la matière ?

 

1. Ordre et désordre.

La loi scientifique entend établir un rapport constant entre des phénomènes. La nature est donc un ordre :

"(...) par la nature considérée en général, je n'entends maintenant autre chose que Dieu même, ou bien l'ordre et le disposition que Dieu a établie dans les choses créées"

R. DESCARTES. Méditations métaphysiques. VIème méditation14 .

- 1. Le déterminisme. Un phénomène ne se produit que si et seulement si ses conditions d'existence sont réunies.

A. Définition. Le : "(...) déterminisme désigne l'ensemble des conditions nécessaires à l'existence d'un phénomène"15 .

Exemple : l'eau bout si et seulement si elle est portée à la température de 100°.

RM. Il faut distinguer le déterminisme et le fatalisme. Le déterminisme exprime la nécessité de la relation entre la cause et l'effet ; le fatalisme exprime la nécessité de la production du fait : il est inéluctable ; il aura lieu quoi qu'on fasse.

B. Exemple : le démon de LAPLACE.

"Une intelligence qui pour un instant donné connaîtrait toutes les forces dont la nature est animée et la situation respective des êtres qui la composent, si d'ailleurs elle était assez vaste pour soumettre ces données à l'analyse [au calcul], embrasserait dans la même formule les mouvements des plus grands corps de l'univers et ceux du plus léger atome : rien ne serait incertain pour elle, et l'avenir, comme le passé, serait présent à ses yeux"

P. S. LAPLACE (1749 - 1827). Essai philosophique sur les probabilités. (1825)16 .

Commentaire :

- 2. Les limites de ce déterminisme.

A. Le statut des sciences sociales : les phénomènes sociaux et les phénomènes humains en général sont - ils soumis au même déterminisme ?

B. La notion de déterminisme statistique. La loi scientifique ne prévoit pas l'échéance nécessaire du phénomène, mais seulement fixe une probabilité pour que le phénomène se produise.

Définition. : "La probabilité désigne en mathématiques le rapport du nombre de cas favorables au nombre total des événements (la probabilité de tirer une carte définie d'un jeu de trente - deux cartes est de 1/32e)"17

Exemple : la théorie cinétique des gaz de MAXWELL et BOLTZMANN détermine une probabilité.

- 3. La question du chaos et du hasard.

A. Le désordre est il un autre ordre que l'ordre attendu, ou bien a - t - il une réalité effective ?

B. Le hasard est - il absence de déterminisme ou est - il absence de connaissance du déterminisme ?

 

2. Expliquer ou décrire ?

La loi scientifique explique - t- elle les événements naturels ou bien propose - t - elle une description ?

- 1. Les différences.

A. Expliquer c'est donner la cause, - et cette cause se trouve dans le réel. Décrire, c'est se donner les moyens de rendre raison des apparences sans pour cela prétendre que le réel se comporte comme il est décrit.

B. Si la loi scientifique explique elle est loi de la nature ; si la loi scientifique décrit, elle est un artifice théorique permettant de sauver les phénomènes.

C. Exemple : l'astronomie antique est - elle science géométrique ou science physique ?

- 2. Les arguments en faveur de la description.

A. La notion de causalité chez David HUME (1711 - 1776). Là où nous constatons une conjonction constante constante, nous concevons une connexion nécessaire18 .

B. Exemples : ADAM aurait - il pu conclure, par les seules forces de sa raison et sans l'aide de l'expérience, de la fluidité de l'eau qu'il pourrait s'y noyer ?

Un prince indien peut - il concevoir qu'un éléphant peut marcher sur l'eau, s'il n'a jamais fait l'expérience de voir de l'eau gelée ?

RM. C'est l'accoutumance qui fait fait prendre le régulier et le familier pour le nécessaire.

C. Les lois scientifiques ne peuvent que décrire des régularités.

RM. La question de l'induction. Comment est - elle possible ?

- 3. Le positivisme d'Auguste COMTE. La recherche scientifique doit s'interdire de chercher les causes des phénomènes ; elle doit se contenter de relier les faits observés entre eux : les lois sont ces rapports entre les faits. C'est le propre d'une science positive.

A. La loi des trois états19 . Dans la constitution des connaissances, l'humanité passe par trois étapes, qu'il s'agisse de l'individu ou qu'il s'agisse de l'espèce.

Exemple : l'orage peut être expliqué par un dieu, une force, ou une décharge électrique.

B. La classification des sciences20 .

 

3. Inventer ou découvrir une loi ?

La loi scientifique est - elle inventée ou bien est - elle découverte ?

- 1. Les différences.

A. Découvrir une loi, cela suppose que la loi est dans la réalité étudiée. L'observation des faits suffit dès lors pour instruire.

Inventer une loi, cela suppose que la loi scientifique est le résultat de l'effort de construction de l'esprit seul.

B. Que la connaissance vienne des sens et de l'expérience, c'est la conception de l'empirisme.

Que la connaissance vienne de la raison, c'est la conception rationaliste.

- 2. L'empirisme et ses difficultés. Constater, ce n'est pas connaître. Le constat ne donne pas la nécessité du fait observé. Qu'il en est ainsi ne suffit pas pour comprendre qu'il doit en être ainsi.

- 3. Le rationalisme et ses difficultés. Peut - on connaître à l'aide de sa seule raison et sans l'observation des faits ?

A. Pour A. KOYRE : "Toute bonne physique est a priori".

B. Mais pour un même fait plus d'une explication demeure possible. Comment trancher ?

RM. L'épicurisme s'accommodait de ce pluralisme de l'explication21 .

C. Le recours nécessaire à l'expérience :

"Mais il faut aussi que j'avoue que la puissance de la nature est si ample et si vaste, et que ses principes sont si simples et si généraux, que je ne remarque quasi plus aucun effet particulier, que d'abord je ne connaisse qu'il ne peut en être déduit en plusieurs diverses façons, et que ma plus grande difficulté est d'ordinaire de trouver en laquelle de ces façons il en dépend. Car à cela je ne sais point d'autre expédient, que de chercher derechef quelques expériences, qui soient telles, que leur événement ne soit pas le même, si c'est en l'une de ces façons qu'on doit l'expliquer, que si c'est en l'autre"

DESCARTES. Discours de la méthode. VIème Partie22 .

Commentaire :


  1. Cf. Galileo GALILEI in HEISENBERG (1979), p. 121 - 122.
  2. Cf. BACHELARD in LECOURT (1987), p. 158.
  3. Cf. BERNARD (1966), p.65 - 68.
  4. Cf. DUROZOI, ROUSSEL (1987), p. 164.
  5. Cf. GALILEE in HEISENBERG (1979), p. 123.
  6. Cf. GALILEE in LEVY - LEBLOND (1982), pp. 195 - 199, in MEDINA, MORALI, SENIK (1985), p. 444.
  7. Cf. DUROZOI, ROUSSEL (1987), p. 342.
  8. Cf. : "Pour une description du dispositif expérimental mis en place par GALILEE THUILLIER (1983), 6. "Galilée et l'expérimentation", p. 119 - 120.
  9. Cf. GALILEE in THUILLIER (1983), p. 120.
  10. Cf. ARISTOTE. Physique. II, 3 ; Métaphysique. D, 2.
  11. Cf. DESCARTES (1976), p. 61, l. 30 - p. 62, l. 8.
  12. Cf. COMTE (1974), p. 28.
  13. Cf. BARTHOLY, DESPIN, GRANDPIERRE (1978), p. 149.
  14. Cf. DESCARTES (1979), p. 179.
  15. Cf. DUROZOI, ROUSSEL (1987), p. 93.
  16. Cf. LE STRAT (1990), p. 22.
  17. Cf. DUROZOI, ROUSSEL (1985), p. 268.
  18. Cf. HUME (1983), section VII, L'idée de connexion nécessaire.
  19. Cf. COMTE (1974), p. 7 - 8.
  20. Cf. COMTE (1974), p. 31 - 32.
  21. Cf. : "Mais ceci n'est pas le cas quand il s'agit de phénomènes qui se passent dans les régions élevées de l'air, car des causes multiples président à leur naissance et leur existence est susceptible d'interprétations diverse qui, cependant, concordent avec les perceptions sensibles. En étudiant la nature, il ne faut pas se conformer à des principes sans fondement et à des lois arbitraires, mais être attentif à ce que suggèrent les phénomènes. Ce n'est pas, en effet, de théories particulières et de vaines opinions que nous avons besoin, mais de vivre sans trouble", EPICURE. Lettre à Pythoclès in BRUN (1964), p. 51 - 52.
  22. Cf. DESCARTES (1976), p. 64, l. 27 - p. 65, l. 7.


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