"Nul n'est méchant volontairement"

 

Tout l'enseignement de SOCRATE (469- 399) tient dans sa vie. La philosophie est avant tout une manière de vivre ; les faits et gestes de SOCRATE fournissent autant de moyens d'apprécier l'homme SOCRATE, et permettent de disposer d'une échelle d'évaluation des conduites à laquelle chacun peut rapporter les siennes propres : la figure de SOCRATE est devenu un modèle à suivre (un exemplum). De là trois conséquences. SOCRATE n'a lui - même rien écrit, tout son enseignement est oral ; le procès intenté à SOCRATE apparaît comme le procès de la philosophie autant que d'un philosophe ou d'un homme puisque toute sa philosophie consiste dans sa vie1 ; l'enseignement socratique est le fruit d'une tradition qui s'est efforcée de conserver ses paroles mémorables, - et cette phrase a été conservée par ses disciples dont le plus illustre demeure PLATON (428 - 348). En cela la formule socratique semble le pendant du pessimisme de l'autre racine de notre culture. Selon la Genèse, le mal surgit dans le monde par la volonté de désobéissance au bien clairement connu (Gn. 2 : 15 - 17). Deux traditions, deux possibilités se présentent pour expliquer l'existence du mal et des méchants : l'homme est porté à le commettre par une tendance difficilement contrôlable, le mal ne serait qu'une erreur de conduite, chaque homme agissant toujours en vue du bien.

L'homme peut - il vouloir le mal pour le mal ?

 


La formule de SOCRATE signifie que la morale peut faire l'objet d'un savoir et d'un savoir théorique, que la volonté éclairée par la connaissance de ces obligations ne peut que se porter au bien, que le mal de ce fait n'a pas d'existence : chacun ne se porte qu'à ce qu'il croit être le bien tel qu'il le connaît.

La volonté éclairée incline aussitôt et comme par affinité l'homme vers ce qui lui semble bon. D'une part, et telle est sans doute l'intention obvie de la formule socratique, nul ne saurait résister à ce qui lui est clairement connu comme bon. Le thème socratique est largement repris dans les Dialogues platoniciens dans lesquels le personnage de SOCRATE montre que tout homme poursuit toujours le bien qu'il connait2 . D'autre part la thèse de SOCRATE peut être interprétée comme signifiant l'affinité immédiate de la volonté humaine pour le bien. Les thèses anarchistes appuient leur condamnation des contraintes étatiques sur la considération d'une bonté originelle de la nature de l'homme. Bien avant elles, RABELAIS attribuait cette maxime : Fais ce que voudras aux THELEMITES pour cette raison que les hommes ne peuvent vouloir que le bien3 . Enfin, la volonté de l'homme serait peut - être préordonnée à vouloir le bien. Ainsi l'occasionnalisme de MALEBRANCHE (1638 - 1715) soutient - il que la seule cause véritable de ce qui se produit dans le monde est la volonté de Dieu : Dieu est seule cause. Ayant créé les esprits, il ne peut vouloir que leur bien. L'amour des hommes pour le bien est la réponse des créatures à cet élan imprimé en elles par la volonté de Dieu4 . La volonté ne saurait être portée vers le mal parce que le mal n'est rien ; le mal est une privation d'être, un néant.

Second postulat de la formule socratique, les valeurs morales peuvent être clairement connues par la raison ; la détermination des devoirs moraux s'ensuivent aussitôt. Cela signifie que la morale est une science, que les vertus morales sont d'abord connues avant d'être pratiquées et pour être pratiquées5 . DESCARTES (1596 - 1650) concevra de même la morale comme l'achèvement du savoir scientifique6 . D'autre part les valeurs morales sont accessibles à l'homme par la raison. La raison n'a pas pour seule fin la capacité de connaître, de mettre en relation des vérités spéculatives : elle déterminerait nos devoirs. Ainsi se fonde en raison la méthode socratique : la maïeutique consiste dans sa phase critique à éradiquer les préjugés ; tout le mal vient des erreurs produites par l'ignorance agissante des préjugés. La source de toute méchanceté, le premier des maux, c'est donc l'ignorance et l'ignorance qui s'ignore.

Enfin, s'il faut en croire SOCRATE, le mal est impossible sans motifs ; nul ne peut vouloir le mal gratuitement. Et le motif clairement connu ne peut être que le motif révélé par la raison et déterminant pour la volonté. Le méchant est donc celui qui tombe mal (meschoir : tomber mal), celui qui tombe à côté de ce qui est bien. Mais dans l'action tout n'est pas également voulu et l'on ne saurait imputer à de la méchanceté les conséquences immaîtrisables ou imprévisibles. ARISTOTE (384 - 322) recense, dans l'action humaine, les facteurs qui la rendent involontaire ou non volontaire. L'acte involontaire est l'effet d'une cause extérieure qui contraint7 . Encore faut - il prendre en compte les circonstances dans lesquelles elle a lieu8 : ce qui paraîtrait un mal dans l'absolu peut apparaître un bien en cas de péril de mort comme se défaire d'une cargaison lors d'une tempête. L'ignorance des circonstances peut rendre une action involontaire. Agit involontairement celui qui a agi contre sa volonté ; agit non volontairement celui qui a agi sans sa volonté. L'ignorance de certaines circonstances rend un acte involontaire9 comme par exemple tuer un homme en lui donnant une potion (Eth. Nic. III, 3).

Si le mal n'est qu'un raté de l'action, nos actions sont spontanément ordonnées vers le bien. Comment expliquer la déviation constatée entre une tendance vers le bien et la réalisation dans le mal ? D'où naît, sinon le mal, du moins le gauchissement de la tendance ordonnée au bien ?

 


L'optimisme socratique ne manque pas de soulever sur chacun de ces points une série d'objections dont les unes portent sur la nature des lois morales, les autres sur la manière de les connaître, les dernières enfin sur leur force contraignante.

Il est difficile de supposer que les valeurs morales soient des valeurs universelles et connues par les seules forces de la raison. Les définitions du bien et du mal changent selon les peuples et les époques. Les arguments sceptiques font mouche qui recensent des pratiques naguère condamnées et aujourd'hui encensées10 : PALAMEDE, personnage du Dialogue de HUME (1711 - 1776), dépeint les moeurs extravagantes d'un peuple imaginaire, avant de dévoiler que ces pratiques (l'homosexualité, l'inceste, le parricide, l'infanticide, le meurtre du bienfaiteur, le suicide) furent celles des Anciens. MONTAIGNE (1533 - 1592) recense les pratiques des autres peuples ; rien n'est si inimaginable qui n'ait été réalisé par les moeurs d'un peuple11 . De plus, les valeurs morales n'ont peut - être pas toute la réalité qu'on leur croit. Toutes les valeurs morales selon NIETZSCHE (1844 - 1900) expriment des besoins ; elles assurent la pérennité de l'existence : elles n'ont donc rien de fixe ni d'absolu12 . Les valeurs morales expriment la volonté de puissance qui est tantôt accroissement de la vie tantôt son exténuation13 . NIETZSCHE défend un renversement des valeurs au profit de celles qui exaltent la vie, ce qui le conduit à une sévère attaque des valeurs chrétiennes14 . Enfin, la raison n'est peut - être le guide infaillible ou le seul guide de nos actions. Certains philosophes préfèrent confier la tâche de guide à des sentiments, plus sûrs selon eux qu'une raison toujours sujette à suivre ses intérêts. Ainsi ROUSSEAU (1712 - 1778) voit - il dans la pitié le sentiment naturel qui porte les hommes à éviter de mal faire15 . La raison serait de plus un guide élitiste réservé à ceux qui disposent d'assez de sagacité pour trouver le contenu de leurs devoirs. Il faudrait bien de la clairvoyance, dont tous ne disposent peut - être pas, pour discerner toujours ce qu'il faut faire16 .

Il n'est pas sûr que la volonté soit si prompte à suivre ce qui lui est représentée comme le bien. Il lui faut composer avec d'autres forces comme les tendances corporelles, - dont les plus séduisantes sont les voix du désir. ARISTOTE nomme acrasia le défaut de caractère de celui qui emporté par les élans du désirs négligent de faire le bien qu'il voit cependant. L'homme intempérant connaît clairement son devoir, il peut même savoir comment l'accomplir mais sous l'impulsion du désir il agira cependant tout autrement Davantage : le méchant peut vouloir et aimer ce qu'il pense et qu'il croit être contraire à la raison. Le déréglé, le pervers,- défauts qu'ARISTOTE nomme akolasia ( Eth. Nic. -III, 15 ; VII, 1), poursuivent le mal par amour du mal. L'un des personnages du roman de DOSTOIEVSKI, Ivan KARAMAZOV, soutient l'existence d'un tel amour du mal pour le mal17 . Et il n'est pas sûr que la société soit le seul facteur à l'origine de ces dérèglements : SADE justifie le plaisir donné par la cruauté en s'en remettant à l'ordre naturel18 . Enfin, le méchant peut être nécessairement déterminé au mal si bien qu'il ne peut pas répondre d'actes dont il n'est pas l'auteur. Tel serait le cas si la nature était le principal auteur de nos actions de sorte qu'il serait chimérique de concevoir l'homme comme un Empire dans un Empire19 , selon la formule de SPINOZA (1632 - 1677), affranchi des lois inéluctables de la nature dont il ressortit, ou si la substance de l'homme comprenait de toute éternité l'ensemble de ses déterminations comme le dit LEIBNIZ20 (1646 - 1716). Ainsi est - compris dans la notion d'Alexandre qu'il vaincrait Darius21 , et dans celle de Jules CESAR qu'il traverserait le Rubicon22 .

La formule socratique ouvre la voie à tous les accommodements avec la conscience. Si chacun, même le méchant fait ce qui lui paraît bon, comment délimiter ce qui semble bon ? Deux questions se posent inévitablement. Si chacun cherche dans ses actions à réaliser ce qui lui semble bon, alors même que cette apparence est trompeuse, alors l'homme n'est pas immédiatement en contact avec le bien. D'autre part, le bien ne se manifeste pas toujours clairement à chacun Ainsi le mouvement de dialectique ascendante que propose la République de PLATON23 n'aboutit pas nécessairement et pour tous à la contemplation de cette Idée par delà l'essence qui étonnent les auditeurs de SOCRATE. Et les hommes ont beau jeu de trouver des arrangements avec leur conscience grâce à leur raison. Les Jésuites dénoncés par PASCAL (1623 - 1662) dans les Provinciales proposent des techniques qui permettent de séparer l'acte de l'intention qui l'a dirigé si bien que la gravité de la faute est allégée quand elle n'est pas supprimée par la seule considération de l'intention24 . Les techniques de la restriction mentale, de l'équivoque25 protègent de la faute : qui ne pense qu'à la pureté de son intention ne peut pas mal faire. Le méchant n'est désormais qu'un maladroit.

Mais si le méchant est tel par nature, pourquoi le punir s'il ne veut pas le mal qu'il fait26 ? Et s'il est possible de corriger le mal fait par la considération de l'intention, quel mal restera - t - il à punir ?

 


Toute ces objections ont pour points communs de refuser à la volonté son pouvoir causal : la volonté ne serait pas la cause de l'action ou elle ne serait pas la cause de la valeur morale de l'action. Il s'agit donc de rétablir les prérogatives de la volonté pour éluder les difficultés rencontrées.

A la première objection, KANT (1724 - 1804) répondrait que la raison n'exige pas autant d'efforts qu'il le semble pour découvrir où est le devoir. KANT propose moins une morale qu'une formulation de la morale. Il trouve dans la bonne volonté le fait de la raison qui manifeste son pouvoir pratique. Chaque homme se prononce moralement et la valeur qu'il attribue aux actions provient non du résultat mais de l'intention qui l'a cherché toujours et l'a trouvé parfois : le succès n'est pas le signe de la valeur morale de l'action27 . La seule chose qui soit universellement tenue pour bonne est la bonne volonté28, et ce qui fait qu'elle est bonne, c'est le vouloir lui - même29 . Pour cela, la bonne volonté doit poursuivre la réalisation du devoir pour lui - même ; elle ne doit pas être la simple conformité au devoir : le commerçant rend loyalement la monnaie à un enfant mais non pas moralement. Sa valeur morale tient à son principe et non à l'objectif poursuivi30 . Une action est morale quand l'action est ordonnée par le devoir31 , c'est - à - dire quand la maxime de la volonté prend la forme d'une loi. La volonté est bonne volonté quand elle n'est pas déterminée par autre chose que par la nécessité de vouloir32 , - sans quoi elle serait hétéronome. L'action moralement bonne est produite par la volonté autonome qui trouve sa formule dans un commandement qui s'impose à la sensibilité et que KANT nomme : un impératif catégorique qui est la conformité à la loi. Or rien de plus simple pour savoir ce qui est bon, ce qu'il est nécessaire de faire. KANT propose un test : l'universalisation de la maxime de l'action33 . Une action est moralement bonne quand je peux vouloir sans contradiction que cette maxime s'étende à toute l'humanité34 . Le test est réussi quand la maxime peut se faire loi de l'action35 . Ainsi, chacun reconnaîtra aisément que le mensonge est immoral lorsque la maxime qui permet de mentir échoue au test de l'universalisation : un monde dans lequel chacun mentirait rendrait le mensonge impossible. KANT rejoint l'une des thèses de ROUSSEAU : la connaissance et l'intelligence ne sont pas nécessaires pour connaître son devoir moral36 .

De ce fait, le méchant reconnaît la valeur de la loi à laquelle il se soustrait. Ne peut se soustraire à la loi que celui qui en reconnaît le pouvoir, - non cependant sur lui, il est vrai, mais sur tous les hommes. Ainsi le menteur ne peut pas vouloir la suppression de la loi morale qui exige de chaque homme la véracité. Sans cette loi, le mensonge même n'aurait pas de sens. La sanction appliquée au méchant se justifie par le fait que la volonté n'est pas supprimée dans la méchanceté ; elle s'applique mal. Si d'un côté, punir le méchant est, pour la société, une mesure de protection, - mais non pas une mesure morale, d'un autre côté, la punition reconnaît au méchant sa valeur morale d'homme. En ce sens, dit HEGEL (1770 - 1831), la punition reconnaît l'homme dans l'homme méchant ; le criminel se voit appliquer la loi qu'il a volontairement enfreinte, - mais pas au - delà37 .

Le méchant agit involontairement mais non pas non volontairement. Le repentir succède à la méchanceté contrairement à la bestialité La faute est une erreur d'appréciation : quelque chose a échappé au méchant. Et d'abord lui - même : le méchant se mesure mal. SOCRATE se référait à l'oracle delphique qui appelle chacun à se connaître lui - même. La première des connaissances nécessaires pour agir moralement est sans doute la connaissance de soi, qu'il s'agisse de la valeur pratique de la raison ou qu'il s'agisse de l'estime de soi. Mal agir serait se mésestimer : ne pas se connaître assez exactement pour réformer, contrôler, dominer ce qui est en soi. Cette juste estime de soi, qui est mesure de soi, et, ainsi, élévation de soi, DESCARTES la nomme générosité38 . Mal agir, c'est agir contrairement à sa nature, ou plutôt contrairement à l'exacte tendance de sa nature. Il y a en effet une distinction à faire entre une nature donnée, celle des instincts et des penchants, et une autre nature qui est, quant à elle, faite par la volonté.

 


"Est - il bon ? Est - il méchant ?" demande le titre de la pièce de DIDEROT. L'indécision de l'appréciation provient aussi de la diversité des circonstances, et tient à l'inconstance des hommes. Le méchant agit hors de propos : sa force est violence seulement dans le contexte déplacé où il l'emploie. Il tombe mal ; il ne frappe pas juste ; il tape à côté de ce qu'il voudrait. Le méchant est donc double : il n'est pas en lui ; il n'agit pas là où il croit agir.

 


  1. Cf. : "Il ne cachait pas non plus son opinion sur la justice ; il la proclamait par ses actions", XENOPHON. Mém. IV, 4 in XENOPHON (1967), p. 398.
  2. Cf. : "Je suis en effet, pour mon compte, bien, près de croire qu'il n'y a pas un seul Sage à juger qu'il y ait un seul homme qui commette des fautes de son plein gré et qui, de son plein gré, réalise des actes laids et mauvais. Tout au contraire les Sages savent parfaitement que tous ceux qui font des choses laides et mauvaises les font malgré eux", PLATON. Ptg. 345 d - e in PLATON (1950, I), p. 122 ; "(...) ceux - là ne désirent pas les mauvaises choses , qui ignorent qu'elles sont telles ; ce sont au contraire celles qu'ils croyaient être bonnes, tandis que ces choses sont en vérité mauvaises, tandis que ces choses sont en réalité mauvaises (...)", PLATON. Mén.77 d - e in PLATON (1950, I), p. 524 ; "(...) ce sont de mauvaises actions, en beaucoup plus grand nombre certes que les bonnes, que font toujours les hommes, à partir du début de leur enfance, et ils pèchent sans le vouloir', PLATON. Hip. Maj., 296 c in PLATON (1950, I), p. 42 - 43 ; "(...) personne ne veut délibérément commettre l'injustice, mais que, quand on la commet, c'est toujours sans vouloir la commettre ?", PLATON. Gorg. 510 a in PLATON (1950, I), p. 464. Cf. Rép. IX, 589 c in PLATON (1950, I), p. 1200.
  3. Cf. : "En leur reigle n'estoit que ceste clause : FAY CE QUE VOULDRAS, parce que gens libres, bien nez, bien instruictz, conversant en compaignies honnestes, ont par nature un instinct et aiguillon, qui tousjours les poulse à faictz vertueux et retire de vice, lequel ils nomment honneur", RABELAIS. Gargantua. LVII in RABELAIS (1972), p. 427.
  4. Cf. : "Dieu ayant créé les esprits, et voulant les rendre heureux, il leur imprime sans cesse l'amour du bien : et comme il n'agit que pour lui, et que le bien n'est, et ne peut être qu'en lui, cet amour naturel du bien ne les porte par lui - même, que vers Dieu ; car cet amour est semblable à celui que Dieu se porte à lui - même", MALEBRANCHE. Traité de morale. II, IV, 3 in MALEBRANCHE (1995), p. 237.
  5. Cf. : "Il ne distinguait pas la science de la tempérance, mais il regardait comme savant et tempérant celui qui, connaissant le beau et le bien, les pratiquait et qui, connaissant le bien et le mal, savait s'en garder", XENOPHON. Mém. III, 9 in XENOPHON (1967), p. 368.
  6. Cf. : ""Ainsi toute la philosophie est comme un arbre, dont les racines sont la métaphysique, le tronc est la physique, et les branches qui sortent de ce tronc,sont toutes les autres sciences, qui se réduisent à trois principales, à savoir la médecine, la mécanique et la morale ; j'entends la plus haute et la plus parfaite morale, qui présupposant une entière connaissance des autres sciences, est le dernier degré de la sagesse", DESCARTES. Principes de la philosophie. Lettre - Préface in DESCARTES (1973), p. 779 - 780.
  7. Cf. : "On admet d'ordinaire qu'un acte est involontaire quand il est fait sous la contrainte, ou par ignorance. Est fait sous le contrainte tout ce qui a son principe hors de nous, c'est - à - dire un principe dans lequel on ne relève aucun concours de l'agent ou du patient ; si, par exemple, on est emporté quelque part, soit par le vent, soit par des gens qui vous tiennent en leur pouvoir", ARISTOTE. Eth. Nic. III, 1, 1109 b - 1110 b in ARISTOTE (1983 a), p. 119.
  8. Cf. : "C'est là encore ce qui se produit dans le cas d'une cargaison que l'on jette par - dessus bord au cours d'une tempête : dans l'absolu, personne ne se débarrasse ainsi de son bien volontairement, mais quand il s'agit de son propre salut et de celui de ses compagnons un homme de sens agit toujours ainsi", ARISTOTE. Eth. Nic. III, 1, 1110 b in ARISTOTE (1983 a), p. 120.
  9. Cf. : "(...) ce qui rend l'action involontaire, c'est l'ignorance des particularités de l'acte, c'est - à - dire de ses circonstances et de son objet (...)", ARISTOTE. Eth. Nic. III, 2, 1110 b in ARISTOTE (1983 a), p. 124.
  10. Cf. : "J'ai seulement voulu représenter l'incertitude des jugements sur les caractères, et vous convaincre que la mode, la vogue, la coutume et la loi constituaient le principal fondement de toutes les déterminations morales", HUME. Un dialogue. in HUME (1991), p. 261.
  11. Cf. : "J'estime qu'il ne tombe en l'imagination humaine aucune fantaisie si forcenée qui ne rencontre l'exemple de quelque usage public, et par conséquent que notre discours n'étaye et ne fonde. Il est des peuples où on tourne le dos à celui qu'on salue, et ne regarde - ton jamais celui qu'on veut honorer. Il en est où, quand le roi crache, la plus favorite de dames de sa cour tend la main ; et en autre nation les plus apparents qui sont autour de lui, se baissent à terre pour amasser en du linge son ordure", MONTAIGNE. Essais. I, XXXIII, De la coutume et de ne changer aisément une loi reçue in MONTAIGNE (1972, I), p. 169.
  12. Cf. : "(...) nos jugements de valeur trahissent quelque chose des conditions nécessaires à notre existence (...)", NIETZSCHE. La volonté de puissance in GRANIER (1990), p. 169.
  13. Cf. : "La vie est, à mes yeux, instinct de croissance, de durée, d'accumulation de forces, de puissance : là où la volonté de puissance fait défaut, il y a déclin. Ce que j'affirme, c'est que cette volonté fait défaut à toutes les valeurs supérieures de l'humanité, - c'est que, sous les noms les plus saints, règnent sans partage des valeurs de décadence, des valeurs nihilistes", NIETZSCHE. L'Antéchrist. Avant - Propos. § 6 in NIETZSCHE (1974 c), p. 15.
  14. Cf. : "Qu'est - ce qui est bon ? Tout ce qui exalte en l'homme le sentiment de puissance, la volonté de puissance, la puissance même. Qu'est - ce qui est mauvais ? Tout ce qui vient de la faiblesse? Qu'est - ce que le bonheur ? Le sentiment que puissance croît, qu'une résistance est en voie d'être surmontée. Non d'être satisfait, mais d'avoir davantage de puissance. Non pas la paix, mais la guerre. Non la vertu, mais la valeur (vertu dans le sens d la Renaissance, virtù, une vertu "garantie sans moraline"). Périssent les faibles et les ratés ! Premier principe de notre philosophie. Et il faut même les y aider. Qu'est - ce qui est plus nuisible qu'aucun vice ? LA compassion active pour tous les ratés et es faibles le christianisme...", NIETZSCHE. L'Antéchrist. Avant - Propos. § 2 in NIETZSCHE (1974 c), p. 12 - 13
  15. Cf. : "Il est donc certain que la pitié est un sentiment naturel, qui, modérant dans chaque individu l'activité de l'amour de soi - même, concourt à la conservation mutuelle de toute l'espèce. C'est elle qui nous porte sans réflexion au secours de ceux que nous voyons souffrir : c'est elle qui, dans l'état de nature, tient lieu de lois, de moeurs, et de vertu, avec cet avantage que nul n'est tenté de désobéir à sa douce voix : c'est elle qui détournera tout sauvage robuste d'enlever à un faible enfant, ou à un vieillard infirme, sa subsistance acquise avec peine, si lui - même espère pouvoir trouver la sienne ailleurs ; c'est elle qui, au lieu de cette maxime sublime de justice raisonnée : Fais à autrui comme tu veux qu'on te fasse, inspire à tous les hommes cette autre maxime de bonté naturelle bien moins parfaite, mais plus utile peut - être que la précédente : Fais ton bien avec le moindre mal d'autrui qu'il est possible", ROUSSEAU. Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes. Ière Partie in ROUSSEAU (1971), p. 198 - 199.
  16. Cf. : "Quoiqu'il puisse appartenir à Socrate, et aux esprits de sa trempe, d'acquérir de la vertu par raison, il y a longtemps que le genre humain ne serait plus, si sa conservation n'eût dépendu que des raisonnements de ceux qui le composent", ROUSSEAU. Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes. Ière Partie in ROUSSEAU (1971), p. 199.
  17. Cf. ; "Dans chaque humain, il est une bête, un fauve déchaîné, furieux, excité par les cris de la victime, enfanté par les maladies contractées dans la débauche, ou bien la goutte et l'hépatite...", DOSTOIEVSKI. Les frères Karamazov. V; IV "La révolte in DOSTOIEVSKI (1957), p. 222 - 223.
  18. Cf. : "La cruauté est dans la nature ; nous naissons tous avec une dose de cruauté que la seule éducation modifie (...)", SADE (1972), p. 124.
  19. Cf. : "(...) on dirait qu'ils [ceux qui ont écrit sur les Affections et la conduite de la vie humaine] conçoivent l'homme dans la Nature comme un empire dans un empire. Ils croient, en effet, que l'homme trouble l'ordre de la Nature plutôt qu'il ne le suit, qu'il a sur ses propres actions un pouvoir absolu et ne tire que de lui - même sa détermination", SPINOZA. Ethique. III in SPINOZA (1965 b), p. 132.
  20. Cf. : "(...) la nature d'une substance individuelle ou d'un être complet est d'avoir une notion si accomplie qu'elle soit suffisante à comprendre et à en faire déduire tous les prédicats du sujet à qui cette notion est attribuée", LEIBNIZ. Discours de métaphysique. § 8 in LEIBNIZ (1984), p. 43.
  21. Cf. LEIBNIZ. Discours de métaphysique. § 8 in LEIBNIZ (1984), p. 43.
  22. Cf. LEIBNIZ. Discours de métaphysique. § 13 in LEIBNIZ (1984), p. 48.
  23. Cf. PLATON. Rép. VI, 508 d - 509 c.
  24. Cf. : "(...) quand nous ne pouvons pas empêcher l'action, nous purifions au moins l'intention ; et ainsi nous corrigeons le vice du moyen par la pureté de la fin", PASCAL (1987), p. 114.
  25. Cf. : "Une des choses les plus embarrassantes qui s'y trouve est d'éviter le mensonge, et surtout quand on voudrait faire accroire une chose fausse. C'est à quoi sert admirablement notre doctrine des équivoques (...)", PASCAL (1987), p. 150.
  26. Cf. : "(...) il ne fut pas plus s'enorgueillir de la vertu que se repentir du vice, pas plus accuser la nature de nous avoir fait naître bon que de nous avoir créé scélérat ; elle a agi d'après ses vues, ses plans, ses besoins ; soumettons - nous", SADE (1972), p. 125.
  27. Cf. : "Alors même que, par une particulière défaveur du sort ou par l'avare dotation d'une nature marâtre, cette volonté serait entièrement dépourvue du pouvoir de faire aboutir ses desseins ; alors même que dans son plus grand effort elle ne réussirait à rien ; alors même qu'il ne resterait que la bonne volonté toute seule (je comprends par là, à vrai dire, non pas quelque chose comme un simple voeu, mais l'appel à tous les moyens dont nous pouvons disposer), elle n'en brillerait pas moins, ainsi qu'un joyau, de son éclat à elle, comme quelque chose qui a en soi sa valeur tout entière. L'utilité ou l'inutilité ne peut en rien accroître ou diminuer cette valeur", KANT (1979), p. 89 - 90.
  28. Cf. : "De tout ce qu'il est possible de concevoir dans le monde, et même en général hors du monde, il n'est rien qui puisse sans restriction être tenu pour bon, si ce n'est seulement une BONNE VOLONTE", KANT (1979), p. 87.
  29. Cf. : "Ce qui fait que la bonne volonté est telle, ce ne sont pas ses oeuvres ou ses succès, ce n'est pas son aptitude à atteindre tel ou tel but proposé, c'est seulement le vouloir ; c'est - à - dire que c'est en soi qu'elle est bonne (...)", KANT (1979), p. 89.
  30. Cf. : "(...) une action accomplie par devoir tire sa valeur morale non pas du but qui doit être atteint par elle, mais de la maxime d'après laquelle elle est décidée ; elle ne dépend donc pas de la réalité de l'objet de l'action, mais uniquement du principe du vouloir d'après lequel l'action est produite sans égard à aucun des objets de la faculté de désirer", KANT (1979), p. 99.
  31. Cf. : "(...) le devoir est la nécessité d'accomplir une action par respect pour la loi", KANT (1979), p. 100.
  32. Cf. : "(...) si une action accomplie par devoir doit exclure complètement l'influence de l'inclination et avec elle tout objet de la volonté, il ne reste rien pour la volonté qui puisse la déterminer, si ce n'est objectivement la loi, et subjectivement un pur respect pour cette loi pratique, par suite la maxime d'obéir à cette loi, même au préjudice de toutes mes inclinations", KANT (1979), p. 101.
  33. Cf. : ""On entend par maxime le principe subjectif du vouloir ; le principe objectif (c'est - à - dire le principe qui servirait aussi subjectivement de principe pratique à tous les êtres raisonnables, si la raison avait plein pouvoir sur la faculté de désirer) est la loi pratique", KANT (1979), p. 101, n.
  34. Cf. : ""(...) je dois toujours me conduire de telle sorte que je puisse aussi vouloir que ma maxime devienne une loi universelle. Ici donc c'est la simple conformité à la loi en général (sans prendre pour base quelque loi déterminée pour certaines actions) qui sert de principe à la volonté, et qui doit même lui servir principe, si le devoir n'est pas une illusion vaine et un concept chimérique", KANT (1979), p. 103.
  35. Cf. : "Sans expérience quant au cours du monde, incapable de parer à tous les événements qui s'y produisent, il suffit que je demande : peux - tu vouloir aussi que ta maxime devienne une loi universelle ?", KANT (1979), p. 105.
  36. Cf. : "(...) il n'est besoin ni de science ni de philosophie pour savoir ce qu'on a à faire, pour être honnête et bon, même sage et vertueux", KANT (1979), p. 106.
  37. Cf. : "Du fait même que la peine est considérée comme le droit propre au criminel, en le punissant, on honore le criminel comme un être raisonnable. On ne lui accorde pas cet honneur si l'on ne tire pas de son acte même le concept et la mesure de sa peine. Il en est de même si on le considère comme une bête nuisible qu'il faut mettre hors d'état de nuire, qu'il faut effrayer ou amender", HEGEL. Philosophie du droit. § 100, Rm in HEGEL (1982) p. 143.
  38. Cf. : "Ainsi je crois que la vraie générosité, qui fait qu'un homme s'estime au plus haut point qu'il se peut légitimement estimer, consiste seulement partie en ce qu'il connaît qu'il n'y a rien qui véritablement lui appartienne que cette libre disposition de ses volontés, ni pourquoi il doive être loué ou blâmé sinon pour ce qu'il en use bien ou mal, et partie en ce qu'il sent en soi - même une ferme et constante résolution d'en bien user, c'est - à - dire de ne manquer jamais de volonté pour entreprendre et exécuter toutes les choses qu'il jugera être les meilleures ; ce qui est vivre parfaitement la vertu", DESCARTES. Les passions de l'âme. III. Art.153 in DESCARTES (1953), p. 768 - 769.

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